Condition féminine
En cette veille de la douloureuse commémoration du 6 décembre, pourquoi ne pas choisir le scénario de la prévention de la violence, d’éviter le meurtre de femmes pour le seul fait qu’elles sont des femmes.
Billet de blogue de Véronique De Sève, vice-présidente de la CSN
Dans quelques jours, nous soulignerons les 30 ans de la tuerie de Polytechnique qui a coûté la vie à 14 jeunes femmes. 30 ans avant de reconnaître sur le panneau commémoratif à Montréal que ce fut un attentat antiféministe. Et si la tragédie s’était passée aujourd’hui, elle aurait eu les caractéristiques d’un féminicide, c’est-à-dire l’assassinat de femmes pour le seul fait qu’elles sont des femmes.
Au début des années 2000, la CSN se souvient de son implication pour mettre fin à l’impunité du gouvernement mexicain face au féminicide de plusieurs centaines de femmes à Ciudad Juárez. Plus récemment, un décompte de femmes tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint s’effectue en France depuis le début de l’année et s’élève à plus de 100 victimes. Le nombre de meurtres de femmes recensés dans un contexte conjugal illustre le phénomène des féminicides. Cette prise de conscience a soulevé la population française pour dénoncer un système impliquant plusieurs acteurs dans les domaines juridique, policier et de la santé qui ne fonctionnent pas pour protéger ces femmes.
Avec le Service aux collectivités de l’UQAM, la professeure Rachel Cox relate dans sa recherche qu’au Canada, une règlementation de la violence et du harcèlement s’implante de plus en plus au sein du régime de la santé et de la sécurité du travail. Mais elle s’intéresse aussi à la réalité de la violence conjugale au travail ou à proximité, qu’en est-il?
Les coûts de la violence conjugale au travail génèrent des effets sur la victime, facilement localisable par son agresseur qui peut la harceler constamment, la déranger au travail, la dénigrer devant des collègues ou même l’empêcher de se rendre au travail. Les collègues de travail peuvent en subir les dommages collatéraux soit en augmentant leur charge de travail pour compenser les absences de la victime, soit en délaissant leurs tâches pour être attentifs à l’état de la victime. L’ensemble du milieu de travail est alors exposé aux manifestations de violence conjugale. Mais bien peu de milieux de travail sont pourvus de moyens législatifs pour intervenir.
Il aura fallu l’assassinat de femmes, en Ontario et en Alberta sur leur lieu de travail, pour réformer leur législation en matière de santé et de sécurité du travail. Leur loi reconnaît l’obligation de l’employeur de gérer les risques et de prendre des précautions envers la violence conjugale qui se produit au travail ou à proximité. D’autres provinces canadiennes ont des lois qui comportent des obligations de facto en matière de violence qui inclut la violence conjugale, ou susceptible de l’englober.
Pendant ce temps, la Loi sur la santé et sécurité du travail du Québec est très générale, même trop, en ce sens que « l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur ». Il est donc temps de s’attarder au phénomène de violence conjugale et des impacts dans les milieux de travail.
De grâce, n’attendons pas que se produisent des meurtres de femmes au travail avant d’agir. Le maintien du lien d’emploi et, par le fait même, d’une source de revenus constitue pour les victimes des remparts pour mieux se soustraire à la violence conjugale. Il leur offre la sécurité financière et la possibilité de demander de l’aide, tout en limitant leur exposition à l’agresseur. Pour permettre à une victime de rester en emploi, différentes mesures d’accommodement peuvent être prises.
En cette veille de la douloureuse commémoration du 6 décembre, pourquoi ne pas choisir le scénario de la prévention de la violence, d’éviter le meurtre de femmes pour le seul fait qu’elles sont des femmes. Car il faut ouvrir les yeux : la violence conjugale, c’est l’affaire de tout le monde. Arborons fièrement le ruban blanc en solidarité avec toutes les femmes qui souffrent en silence.