Sorel-Tracy : une administration nonchalante et méprisante

Les demandes salariales des cols bleus se basent sur l’IPC et l’inflation, un argument que le maire utilisait il y a quelques mois à peine pour justifier l’augmentation de taxes !

Près d’un mois après le déclenchement de la grève générale illimitée, les cols bleus de Sorel-Tracy décrient la nonchalance avec laquelle les dirigeantes et dirigeants de la Ville traitent cette négociation.

Réunis en assemblée générale le 14 juin, les membres du Syndicat des employé-es municipaux de la Ville de Sorel-Tracy–CSN ont réitéré leur solidarité et leur détermination à poursuivre leur conflit de travail jusqu’à ce que la Ville accepte de faire son bout de chemin sur la question des salaires.

« Contrairement à ce que le maire a récemment affirmé dans les médias, la Ville ne tente pas de trouver le “juste milieu”. Bien au contraire. Elle fait du surplace depuis plus de 15 mois. Pour leur part, les cols bleus ont sensiblement réduit leurs demandes, souligne Martin Gingras, président du syndicat. Le maire devrait venir s’asseoir à la table de négociation pour constater ce qui se dit plutôt que de se fier à ses représentantes et représentants ».

Le maire se fait donner des informations erronées. Pendant son attaque envers les cols bleus lors d’une séance du conseil municipal, M. Péloquin a affirmé que ceux-ci avaient reçu 10 % de plus que l’indice des prix à la consommation (IPC) dans leur dernière convention collective. Or, entre 2017 et 2021, les bleus ont obtenu 2,35 % de plus que l’IPC.

Les représentantes et représentants de la Ville ont aussi tenu des propos méprisants à l’endroit des salarié-es, leur suggérant d’aller travailler ailleurs s’ils n’étaient pas satisfaits de leurs conditions de travail, puis les menaçant d’être envoyés au chômage au profit de sous-traitants. « Ces travailleuses et travailleurs qui assurent les services aux citoyennes et citoyens méritent un minimum de respect ainsi que des conditions salariales à la hauteur du marché actuel de l’emploi. À défaut de quoi, la Ville se retrouvera en pénurie de main-d’œuvre », assure Jean-Philippe Dell’Aniello, premier vice-président du Conseil central de la Montérégie–CSN.

Mépris des règles et de la sécurité
Depuis le début de la grève, la Ville fait aussi preuve de nonchalance à l’égard de la réglementation. Le syndicat a rapporté au moins un événement impliquant des briseurs de grève (scabs). De plus, un cadre de la Ville s’est improvisé surveillant de piscine sans détenir de certificat de sauveteur lors d’une activité de baignade « naturiste » (nudiste), mettant ainsi à risque la sécurité des baigneuses et des baigneurs. Pourtant, l’article 27 du Règlement sur la sécurité dans les bains publics indique clairement qu’un tel certificat est obligatoire.

Arguments bidon
Sur la place publique, le maire répète les mêmes trois arguments, à savoir l’équité avec les municipalités comparables, avec les autres employé-es municipaux et la capacité de payer de la Ville.

« Dans 27 municipalités de tailles diverses, les augmentations octroyées en 2022 et 2023 démontrent toutes un rattrapage salarial durant l’une de ces deux années afin de tenir compte de l’inflation », souligne Simon Mathieu Malenfant, vice-président trésorier de la Fédération des employées et employés de services publics–CSN. Cette fédération compte dans ses rangs 136 syndicats du secteur municipal. « D’autres municipalités ont même rouvert les conventions collectives en vigueur afin d’éviter de perdre des employé-es dans l’actuelle situation de pénurie de main-d’œuvre », ajoute M. Malenfant.

Le maire Péloquin aime aussi se cacher derrière les contrats de travail des autres catégories d’employé-es municipaux, soit deux conventions signées en 2021 avant l’inflation actuelle. Les demandes salariales des cols bleus se basent sur l’IPC et l’inflation, un argument que le maire utilisait il y a quelques mois à peine pour justifier l’augmentation de taxes !

Les cols bleus rappellent qu’ils sont eux-mêmes des citoyens de Sorel-Tracy et des contribuables. Ils souhaitent régler rapidement le conflit et limiter les impacts négatifs pour les résidentes et les résidents de Sorel-Tracy. Ils s’attendent à une attitude similaire de la part de la Ville.

Depuis des mois, les négociatrices et négociateurs de la Ville laissent miroiter des avancées au chapitre des salaires si les cols bleus acceptent de régler le dossier prioritaire de l’employeur. Aux termes des dernières séances de négociation, force est de constater que la Ville n’a pas l’intention de tenir parole. La prochaine séance de négociation est prévue le 20 juin prochain.

À propos
Le Syndicat des employé-es municipaux de la Ville de Sorel-Tracy–CSN compte une centaine de membres. Le syndicat est affilié à la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN), qui compte 65 000 membres dans les secteurs public et parapublic. Il est également affilié au Conseil central de la Montérégie–CSN, qui regroupe quelque 35 000 membres issus de tous les secteurs d’activité, privés et publics, sur une base régionale ainsi qu’à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) qui représente plus de 330 000 membres.

Pour une transition sans électrochoc

Un portrait inquiétant sur la sous-traitance auquel la plus grande agence de transport au Québec fait appel sous prétexte de changements technologiques.

Pour ce retour du balado de la CSN, l’équipe du Point syndical vous propose un entretien entre Simon Filteau, mécanicien de véhicules lourds à la Société des transports de Montréal, et Yvan Duceppe, trésorier de la CSN. Un portrait inquiétant sur la sous-traitance auquel la plus grande agence de transport au Québec fait appel sous prétexte de changements technologiques. En voici un condensé.

Yvan : Le petit garçon en moi s’émerveille devant ce grand garage avec tous ces autobus partout. Il doit y en avoir de toutes sortes ?

Simon : On a commencé à avoir des autobus articulés dès 2014 et puis des autobus hybrides, en 2017. Maintenant, ça s’électrifie de plus en plus. 

Yvan : Ça change beaucoup votre travail ?

Simon : Oui, ça change les façons de faire ! Surtout en ce qui a trait à la gestion des données. La logistique des véhicules hybrides et électriques est énorme. C’est comme si vous mettiez neuf ordinateurs pour gérer toutes les données et les paramètres.

 

Yvan : J’imagine que ça se fait de façon ordonnée et de concert avec le syndicat ? Que vous recevez les formations adéquates pour soutenir ces grands investissements financiers ? 

Simon : La formation ne suit pas tant. L’expertise, il faut malheureusement toujours se battre pour essayer de la maintenir. C’est dommage parce qu’on a du monde capable de performer, mais ce n’est souvent pas ce que l’employeur remarque. Alors de plus en plus de contrats sont envoyés à l’externe.

Yvan : On dirait que le syndicat est tassé de la transition imposée par le virage climatique. À la CSN, on réclame une transition dite juste où le personnel directement touché par les changements technologiques est partie prenante de l’ensemble des décisions concernant l’organisation de travail. C’est inquiétant ce que j’entends ! 

Simon : C’est sûr qu’il y a des craintes au niveau de l’emploi. Il y a même des tâches mécaniques dont on s’est toujours occupés qui sont maintenant envoyées à l’externe. Dans un sens, on nous traite comme un laboratoire de développement quand vient le temps de tester les nouvelles technologies, mais par la suite, on refuse d’investir dans les formations et tout va en sous-traitance, ce qui revient aussi plus cher pour les contribuables…

Pour information :
CSN – Information

Transport scolaire – « Le couteau entre les dents »

« À partir du moment où les transporteurs ont reçu ces sommes que nous réclamions depuis si longtemps, nos membres avaient le couteau entre les dents »

Les revendications des conductrices et des conducteurs de véhicules scolaires affiliés à la CSN sont enfin entendues, après tant d’années. Les augmentations salariales spectaculaires se succèdent, certaines allant jusqu’à 60 % sur six ans.

Est-il besoin de rappeler que la majo­rité de ces personnes n’ont pas d’assurances collectives ou de régime de retraite et que leur salaire annuel avoisine les 20 000 $ ? En 2015, la CSN avait revendiqué et mis en œuvre un processus rigoureux d’évaluation de l’emploi auquel le gouvernement et les associations de transporteurs avaient participé. Les partis avaient reconnu un taux horaire minimal de 19,14 $ l’heure en janvier 2015, ce qui est nettement insuffisant aujourd’hui. C’est plutôt 23 $ l’heure qui pourrait représenter à l’heure actuelle un équivalent du salaire horaire établi en 2015 par le comité. Or, dès le début de 2015, malgré les demandes répétées et les diverses pressions politiques exercées, le gouvernement avait refusé de donner suite aux conclusions de ce comité qu’il partageait pourtant.

Le début de la crise
En 2017, plusieurs régions vivent déjà des problèmes répétés de bris de service et une pénurie de main-d’œuvre se dessine dans le secteur, en raison des piètres conditions de travail. Dès octobre, les syndicats tirent la sonnette d’alarme et proposent une avenue afin de sortir de la crise annoncée : le versement d’enveloppes budgétaires bonifiées, réservées et fermées afin de financer adéquatement l’amélioration des conditions générales d’emploi dans le secteur. Cette revendication sera défendue sur la place publique jusqu’à ce que la crise dégénère au point d’obliger le gouvernement à agir… en août 2022.

On aura notre dû !
Le gouvernement et les transporteurs finissent par négocier une bonification des enveloppes budgétaires, mais sans obligation de verser les sommes reçues du gouvernement aux salarié-es.

« À partir du moment où les transporteurs ont reçu ces sommes que nous réclamions depuis si longtemps, nos membres avaient le couteau entre les dents », souligne la présidente du secteur du transport scolaire de la Fédération des employées et employés de services publics–CSN, Josée Dubé. Le problème, explique-t-elle, c’est que les enveloppes budgétaires ne sont pas réservées et que chaque syndicat doit se battre individuellement en négo pour aller chercher les sommes qui devraient leur revenir. La pénurie est toujours bien présente, les employeurs ont l’argent, les syndiqué-es sont déterminés et ils ont la population derrière eux. « Ils y vont en grève, et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça marche ! », conclut Josée Dubé.

Pour information :
CSN – Information

Le parlementaire – Pour un syndicat avec du mordant

Les employé-es du restaurant de l’Assemblée nationale se sont joints à la CSN en mai 2022, après deux ans d’une négociation qui n’avançait pas.

Marie-Hélène Sansfaçon est présidente du Syndicat des travailleuses et des travailleurs des restaurants de l’Assemblée nationale–CSN depuis mai 2022. Elle occupe un poste de cuisinière au restaurant Le Parlementaire depuis 20 ans. Elle nous explique pourquoi elle et ses collègues ont choisi d’adhérer à la CSN.

On était syndiqués avec une organisation qui ne nous offrait pas tous les outils nécessaires pour mener à terme notre négociation à notre satisfaction. On ne sentait pas d’appui, on était vraiment déçus, surtout durant les trois dernières années. On s’est donc dit que ça suffisait : il nous fallait un syndicat avec du mordant. On voyait d’autres syndicats affiliés à la CSN qui luttaient et qui obtenaient de très bonnes conditions de travail. C’est pas la CSN qui est venue nous chercher, c’est nous qui sommes allés à elle et on savait très bien pourquoi.

« Il faut dire qu’on était pas mal loin derrière les salaires versés à des collègues du Hilton avec qui on s’est comparés. On voulait des augmentations conséquentes qui allaient corriger cette disparité dans le secteur. »

Une négociation qui traînait
Les employé-es du restaurant de l’Assemblée nationale se sont joints à la CSN en mai 2022, après deux ans d’une négociation qui n’avançait pas. En mars 2023, ils ont exercé deux jours de grève durant une session parlementaire et c’est là que l’exercice de leur rapport de force a porté fruit. « Notre entente de principe, qui a été acceptée à 95 %, prévoyait pour les cuisinières et les cuisiniers une augmentation de 2 % pour 2020 et 2021, un rattrapage salarial de 19 % rétroactif au 1er janvier 2022 et un dernier 2 % pour les six derniers mois de 2022, ce qui nous donnait une hausse de 25 % au total. »

Même s’ils ne sont qu’une trentaine de membres, ils sont vraiment satisfaits de l’appui qu’ils ont reçu durant leur négociation. « C’était ça pour nous, l’idée d’avoir un vrai syndicat qui te soutient dans tes efforts pour améliorer tes conditions de travail. La machine de la CSN a mis à notre disposition toutes les ressources dont on avait besoin et c’est ça qui a fait changer les choses. »

Pour information :
CSN – Information

Secteur public : en mode mob active

Au cœur des actions du Front commun, une tactique détonne, soit la décentralisation dans l’escalade des moyens de pression.

« Comme travailleur dans les services publics depuis plusieurs années, j’ai la conviction que notre cause est juste. » C’est ainsi qu’un délégué amorce son intervention lors des instances conjointes du secteur public de la CSN qui se sont déroulées le 31 mars 2023 et qui traitaient principalement de mobilisation dans l’actuelle négociation avec le gouvernement.

Ce sentiment habite la totalité des personnes qui militent pour l’amélioration des conditions salariales et de travail dans ce milieu difficile que sont devenus les services publics. Toutefois, devant le gouvernement actuel de la CAQ, la raison et le discernement ne pourront être les seuls outils stratégiques.

Gonflés à bloc
Marcel Pepin, ancien grand président de la CSN, disait, à la suite du premier Front commun en 1972, qu’« en négociation, il ne s’agit pas d’avoir raison, il faut la force requise pour obtenir que la raison triomphe ». Cela est d’autant plus vrai lorsque l’employeur est également le faiseur de lois et qu’il représente plus de 70 % des député-es élus depuis la dernière élection. C’est dans ce contexte que les organisations syndicales qui composent le Front commun de 2023, soit la CSN, la CSQ, la FTQ et l’APTS, tiennent une tournée de consultation jusqu’à la mi-mai afin de se doter d’un mandat pour intensifier les moyens de pression et préparer la grève dans tous les syndicats du secteur public.

Un événement impressionnant par son envergure et par la solidarité qui s’y faisait sentir a été organisé par le Front commun le 30 mars dernier pour lancer cette consultation. Plus de 2 000 militantes et militants étaient rassemblés à Québec pour préparer ensemble la suite de leur négociation. En soi, ce moment était une démonstration de force : la suite du plan d’action est déjà prise en charge par des milliers de personnes de toutes les régions du Québec qui partagent le but commun de se servir de leur négociation pour relever les services publics.

La CAQ forte, oui mais…
La force que représentent les résultats de la CAQ aux élections de 2022 reste toutefois au centre de l’analyse que les syndicats font de leur rapport de force. Une vague qui donne au gouvernement 90 des 125 sièges confère une force à ce dernier selon plusieurs observateurs. Les organisations syndicales rappellent, cependant, que ce n’est pas la majorité de la population qui a appuyé ce parti qui détient 100 % du pouvoir, mais plutôt un maigre 27 %. Les travailleuses et les travailleurs auront à miser en partie sur cette réalité qui pourrait bien leur servir.

« Peu importe le nombre de candidatures caquistes portées au pouvoir, nous faisons face à un caucus très réactif aux mouvements sociaux, considère François Enault, 1er vice-président de la CSN et responsable de la négociation du secteur public. Le recul face au troisième lien ne sera pas leur seul. »

Le Front commun, qui rassemble 420 000 personnes de presque tous les titres d’emploi du secteur public au Québec, est un des plus gros depuis 1972, l’année qui a vu naître la première alliance de ce type. Pour les syndicats, cette stratégie est justement l’occasion de réagir plus fortement à l’État employeur.

« Des actions, les membres vont en faire et ça va mettre de la pression. Pour moi, le nombre plus élevé de député-es de la CAQ doit être vu comme un nombre d’occasions plus grand pour organiser nos actions, pour se faire voir et pour montrer que nos revendications sont des solutions nécessaires afin de répondre à la crise qui se poursuit dans nos réseaux », ajoute le 1er vice-président.

Action-réaction
Déjà, le terrain s’active et plusieurs actions sont organisées en réaction aux offres du gouvernement, qui demeurent bien en dessous de ce que les membres revendiquent. Des dizaines de milliers de salarié-es portent, depuis quelques semaines, un chandail ou un foulard aux couleurs du Front commun tous les jeudis, en appui à leur négociation. Des visites de bureaux de député-es ou lors de réunions de conseils d’administration sont entamées et se répéteront jusqu’à ce qu’une entente intervienne. Dans les milieux de travail, des membres font preuve d’imagination : marche des anges gardiens déchus, thermomètre géant pour montrer que la pression monte, chaises vides pour bloquer les bureaux administratifs, à l’image de l’exode du personnel qui persiste. Une action a aussi rassemblé des centaines de travailleuses et de travailleurs à Sherbrooke lors du congrès de la CAQ. Une occasion pour exprimer directement aux dirigeants le mécontentement ambiant.

Automne chaud en perspective
Au cœur de ces actions, une tactique détonne, soit la décentralisation dans l’escalade des moyens de pression. Les comités de mobilisation et leur syndicat ont en main des ressources pour s’organiser et un espace de créativité afin de donner lieu à des initiatives qui doivent avoir pour effet de susciter chaque fois une plus grande participation. La démarche va se poursuive en gradation tant que la négociation l’exigera et jusqu’à un possible exercice de la grève.

« À l’automne, si les boss ne nous écoutent pas, nous consulterons les membres sur la grève, tranche François Enault. Il faut la préparer [la grève], il va y avoir des moyens d’action qui vont progresser et qui vont devoir être faits par tout le monde ensemble. C’est cela qui va faire mal ; aussi longtemps que le gouvernement va voir que les 420 000 membres font les moyens de pression étape par étape, c’est là que nous allons le faire shaker ! »

Pour information :
CSN – Information