Sommes-nous en train de sacrifier une génération ?

Au moment où la rentrée scolaire s’amorce de la maternelle à l’université, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) met le gouvernement en garde contre le fort risque de sacrifier plusieurs milliers d’élèves, d’étudiantes et d’étudiants qui sont victimes du manque chronique de personnel qualifié, des retards académiques très significatifs à tous les niveaux liés à la COVID et d’un laisser-aller dangereux concernant l’intelligence artificielle (IA). Le risque de dérapage est immense, des cohortes complètes pourraient soit décrocher étant données les nombreuses offres d’emploi alléchantes ou ne pas acquérir les compétences nécessaires à leur futur emploi.

« Il faut que les ministres Drainville et Déry se réveillent avant qu’il ne soit trop tard pour plusieurs milliers de jeunes au Québec qui subissent les contrecoups du manque flagrant de planification de la main-d’œuvre, de mesures insuffisantes pour rattraper les retards liés à la pandémie et d’un manque d’encadrement de l’IA », insiste Caroline Senneville, présidente de la CSN. Notons que cette rentrée est la deuxième où des élèves ayant subi les contrecoups de la COVID arrivent au cégep et les universités devront accueillir cette même cohorte très bientôt. Tous les niveaux d’enseignement sont donc aux prises avec cette problématique.

Vraie intelligence, vrai enseignement

 Une autre inquiétude, maintes fois exprimée par les membres depuis l’accélération effrénée et non balisée du recours à l’intelligence artificielle, concerne son impact sur la valeur même des diplômes décernés par les établissements. « Les nouveaux robots conversationnels peuvent altérer la capacité d’apprendre et de réfléchir comme le GPS a affaibli le sens de l’orientation. Les risques de plagiat mettent en doute l’authenticité des évaluations, tout en minant les fondements de l’enseignement. À l’instar d’une foule d’experts internationaux, le gouvernement doit mesurer la dangerosité de l’IA et en baliser le développement en consultant de manière prioritaire celles et ceux qui enseignent au quotidien afin d’endiguer cette menace à la qualité des diplômes québécois », revendique Caroline Quesnel, présidente de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN).

Des moyens à la hauteur des besoins

Avec un manque flagrant de personnel de soutien en éducation, c’est une autre rentrée qui s’annonce difficile dans les écoles, les centres de formation, les cégeps et les universités. « Ce n’est pas rose pour les employé-es de soutien qui se dévouent au quotidien pour assurer aux élèves et aux étudiantes et étudiants un environnement sain et stimulant qui favorise les apprentissages. Nous sommes actuellement en négociation avec le gouvernement ; c’est le moment de trouver des solutions concrètes aux nombreux problèmes vécus par le personnel de soutien, notamment la violence à laquelle il est confronté et la surcharge de travail constante qui l’afflige. Il faut aussi améliorer significativement les salaires de ces dizaines de milliers de femmes et d’hommes qui sont parmi les moins bien rémunérés du secteur public. Sans un sérieux coup de barre, on va frapper le mur et c’est tout le réseau qui en paiera le prix », affirme Frédéric Brun, vice-président de la FEESP-CSN.

Financement étatique, stable et équitable

Il faut à tout prix éviter de sacrifier des cohortes complètes d’étudiant-es préuniversitaires et universitaires qui sont la clé du développement économique et humain du Québec de demain.

« Le financement doit absolument être assuré par l’état plutôt que par des frais individuels, l’investissement philanthropique ou le soutien direct des entreprises », insiste Jessica Goldschleger, vice-présidente de la FP-CSN. Cette dernière précise que sans un soutien public suffisant et stable, les intérêts commerciaux vont prendre le dessus sur ceux du Québec et des étudiant-es. La FP-CSN rappelle que la pénurie de main-d’œuvre actuelle détourne des jeunes des études préuniversitaires et universitaires qui préfèrent travailler que s’endetter. « La donne a changé, il faut prendre les moyens de rendre l’université plus attrayante, avec un environnement d’apprentissage optimal, c’est stratégique pour notre économie », ajoute la vice-présidente.

Il faut un coup de barre immédiat

« Le gouvernement et le premier ministre à sa tête doivent avoir un plan de match à la hauteur de cette crise. Notre avenir dépend de la vigueur et de l’intelligence que nous aurons à régler ces problèmes majeurs qui touchent des milliers de jeunes dans toutes les régions. L’improvisation n’a pas sa place », conclut la présidente de la CSN, Caroline Senneville. Cette dernière insiste fortement pour dire que le gouvernement doit absolument consulter tous les acteurs du réseau s’il veut trouver des solutions qui fonctionnent.

À propos

Fondée en 1921, la CSN est la première grande centrale syndicale québécoise. Composée de près de 1600 syndicats, elle compte près de 80 000 membres dans le secteur de l’éducation et de l’enseignement supérieur qui sont répartis dans trois fédérations.