Article dans LE.POINT.SYNDICAL, numéro 12
Hélène Fortin nous raconte la négociation de son syndicat avec le Réseau de transport de la Capitale l’été dernier.
Le Tribunal administratif du travail (TAT) a rendu une décision historique dans le domaine du transport collectif pour les grandes agglomérations. Hélène Fortin, présidente du Syndicat des employé-es du transport public du Québec métropolitain–CSN, nous raconte la négociation de son syndicat avec le Réseau de transport de la Capitale l’été dernier.
Pour faire suite à l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan qui a constitutionnalisé le droit de grève, depuis 2019 c’est le TAT qui doit déterminer si une entreprise doit être soumise à l’obligation de maintenir des services essentiels pendant une éventuelle grève. Pour ce faire, les deux parties font leurs représentations et le TAT tranche en ayant pour mission de s’assurer que la grève projetée n’aura pas pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique. Auparavant, le gouvernement imposait l’assujettissement par décret.
Un précédent historique dans le transport collectif
Avec ce nouveau pouvoir du TAT, le Syndicat des employé-es du transport public du Québec métropolitain–CSN s’est dit qu’une belle fenêtre s’ouvrait pour faire le débat sur l’effet d’une grève quant à la santé ou la sécurité publique à Québec et ainsi tenter d’ouvrir une brèche pour les grandes villes québécoises. Historiquement, le gouvernement avait toujours assujetti les sociétés de transport des grandes villes québécoises aux services essentiels, à Montréal, à Québec, à Longueuil et à Laval.
Le débat a été complexe et long : il a nécessité près de 3200 pages de preuves, d’expertises, de pièces et d’arguments des deux parties. Avec un dossier de cette envergure, le juge saisi du dossier a eu besoin de temps, pendant le délibéré, pour soupeser le tout. Pendant ce temps, le syndicat se dirigeait vers une grève.
Une décision in extremis
« Nous avons reçu notre décision favorable sur toute la ligne le 9 juin alors que nous avions déjà voté la grève, que nous avions déposé notre avis de grève le 5 juin et que nous envisagions de la déclencher du 1er au 16 juillet. Avec le Festival d’été de Québec (FEQ) qui arrivait à grands pas, celui-ci figurait évidemment dans notre analyse, notre rapport de force venait de prendre une tout autre allure : nous pouvions désormais déclencher la grève sans avoir à négocier une liste d’autobus à maintenir pendant le débrayage. Après cinq jours de grève, nous avons obtenu une entente de principe le 5 juillet. »
« Le jour où nous avons reçu la décision, nous étions au bureau, en médiation et j’ai oublié de fermer ma caméra… le médiateur, avec qui c’était le premier rendez-vous, nous a donc vu danser dans notre bureau syndical, heureux de la décision que nous venions de recevoir. »
« On ne voulait pas sortir en grève, mais en même temps, nos membres avaient vécu tellement de pression dans l’attente de cette décision que notre sortie en grève a finalement permis de l’évacuer. On avait mené nos moyens de pression au sommet et nos membres tenaient à aller au bout de leur démarche. »
La Ville de Québec a bien tenté de présenter le FEQ comme un événement nécessitant des services essentiels alors que ce type de rassemblement n’a jamais été reconnu comme tel. Le TAT a retenu qu’avec les alternatives qui existent à Québec, dont le télétravail, l’augmentation potentielle de la circulation lors d’une grève sans services essentiels ne serait pas assez importante pour susciter des embouteillages pouvant empêcher les pompiers, les policiers et les ambulanciers d’accomplir leurs devoirs respectifs.
Une seconde décision rendue le 1er août 2023 pour les répartiteurs du RTC est venue confirmer la solidité de celle des conductrices et conducteurs ; décision qui pourrait bien entraîner des répercussions sur d’autres services de transport collectif au Québec.