Négocier devant son ordi

La pandémie nous aura forcés à aborder différemment de nombreux aspects des relations de travail. De l’incubation d’une campagne de syndicalisation à la ratification d’ententes de principe, le virtuel s’est imposé dans nos vies syndicales. Malgré les embûches, les syndicats de la FEESP-CSN ont su s’adapter rapidement, au bénéfice des travailleuses et des travailleurs.

« Je vous le dis, avec notre nouvelle convention, tout le monde va vouloir venir travailler à Sainte-Adèle! Dans vos villes de riches, vous n’aurez plus personne! » Au bout de la ligne, Chantal Cayer, adjointe administrative pour la municipalité, pouffe de rire tellement elle a du mal à cacher sa fierté devant le règlement conclu par son équipe syndicale au cours des derniers mois. « En 30 ans à Sainte-Adèle, j’ai jamais vu autant de bénéfices. Ma signature sur la convention est tout croche tellement j’en tremblais! »

C’est au terme d’une négociation qui s’est déroulé entièrement en virtuel que son syndicat, qui représente les cols blancs de cette localité des Laurentides, a pu améliorer significativement les dispositions relatives aux horaires de travail, à la conciliation famille-travail et au télétravail. À la source du succès de cette négociation : un véritable exercice d’assainissement des relations de travail avec l’employeur qui a permis de rétablir un minimum de confiance entre les parties. Une médiation arbitrale avait permis d’aplanir certaines difficultés – tout comme le départ de l’ancien directeur général de la ville, « pour qui on était tous des voleurs de temps pis des voleurs d’argent », se rappelle Chantal.

De plus, les deux groupes qui formaient l’ancienne unité syndicale, cols blancs et cols bleus, avaient d’un commun accord convenu de scinder leur syndicat. « Ça nous a permis de nous concentrer sur nos réalités propres à nous au cours de la négo », explique Chantal, qui se réjouit que ses camarades de l’autre unité aient également obtenu une entente de principe.

La militante syndicale, qui n’en était pas à sa première négociation, a très apprécié cette première négociation virtuelle. « Il y a beaucoup moins de perte de temps. Avant, fallait arriver au bureau à 8 h, changer d’endroit pour aller négocier, mais ça ne commençait jamais avant 9 h 30-10 h ». Sans parler des caucus, dont les allers-retours de part et d’autre peuvent gruger beaucoup d’heures de travail.

« On était chacun devant nos écrans, mais on était prêts tout le temps, raconte Chantal. Les caucus, on les faisait sur Messenger avec nos téléphones. Pour les plus grosses discussions, on ramassait tous les sujets au fil de la journée pour reprendre le tout entre nous le lendemain. Toujours en virtuel. Nos caucus fonctionnaient très bien : à quatre personnes, on réussit à avoir le pouls, c’est très direct. Parce que c’est pas parce que c’est en virtuel qu’on s’obstinait pas ! »

 

Rapport des membres du Bureau fédéral : trois années marquées par l’adaptation, la résilience et la mobilisation !

En plus de la présentation des rapports des présidences des huit secteurs de la fédérationqui s’est effectuée cette année sous forme de capsules vidéo*, les présidences des trois comités de la fédération ont, quant à elles, fait part de leur bilan respectif des trois dernières années ce matin lors du 28e Congrès de la FEESP-CSN.

Pour le président du Comité de santé-sécurité-environnement, Kevin McLean, il va sans dire que la pandémie de COVID-19 aura été au cœur des préoccupations des membres au cours des derniers mois, avec tout ce que cela implique en matière de santé et sécurité du travail : organisation du télétravail, approvisionnement et distribution des équipements de protection individuelle, nécessité de désinfection des lieux de travail, santé psychologique, etc. De plus, il importe de souligner la vaste mobilisation autour du projet de loi no 59 du ministre Jean Boulet, qui vient modifier les lois encadrant la santé et la sécurité du travail, à laquelle auront contribué les membres du comité en participant notamment à la récente vigie de 59 heures qui s’est tenue devant l’Assemblée nationale à Québec.

Du côté du Comité de formation et de vie syndicale de la fédération, de nombreux défis ont été relevés au cours du dernier mandat, notamment au niveau de l’offre et de la mise à jour des différentes sessions de formation. La présidente du comité, Carmelina Santoro, avait de quoi être fière du travail de son comité qui, au cours du dernier mandat, a réussi à former plus de 1000 militantes et militantsprovenant tant du secteur public que du privé.. Sur le plan de la vie syndicale, une importante réflexion s’est amorcée pour relancer et repenser la vie syndicale post-pandémie.

Pour sa part, la présidente du Comité de la condition féminine, Amélie Benoit, a également dressé un bilan positif du travail effectué par les membres du comité au cours des trois dernières années, en évoquant notamment les sept éditions du journal LInform’Elles ainsi que les rencontres des Journées Réseau-Femmes. La présidente a également profité de cette instance pour dévoiler officiellement le nouveau logo du comité qui a été sélectionné à la suite d’un concours de création auquel ont participé plusieurs membres de la fédération. C’est finalement le logo développé par Jessie Tourigny, du Syndicat du personnel de soutien du Cégep de Shawinigan, qui a été retenu par les membres du comité.

*À noter que les capsules vidéo des rapports des huit secteurs de la fédération sont désormais disponibles sur le site de la FEESP.

Avancées importantes dans les négociations du personnel de soutien scolaire FEESP-CSN

À la suite de progrès significatifs aux tables de négociations, les syndicats représentant le personnel de soutien scolaire affiliés à la FEESP-CSN annulent les journées de grève prévues les 14, 15 et 16 juin prochains.

« À la table sectorielle, nous nous sommes entendus sur des éléments importants pour le personnel de soutien scolaire et à la table centrale, les négociations avancent positivement, notamment sur la revendication de la CSN d’accorder une attention particulière aux bas salarié-es. La grève des 14, 15 et 16 juin est donc annulée », mentionne Annie Charland, présidente du secteur scolaire FEESP-CSN.

« La mobilisation exceptionnelle du secteur scolaire des 26 et 27 mai derniers fait bouger les choses aux tables de négociation. Les discussions se poursuivent intensivement. C’est pourquoi le personnel de soutien scolaire choisit de laisser toute la place à la négociation. Les membres seront consultés lorsque nous aurons en main une entente globale », rajoute Nathalie Arguin, présidente de la FEESP-CSN.

La CSN réussit à conclure une entente pour les secrétaires d’école ou de centre et les techniciennes en service de garde 

Après des années à revendiquer des correctifs salariaux pour que les secrétaires d’école ou de centre et les techniciennes en service de garde soient rémunérées à leur juste valeur en fonction de l’évaluation de leur emploi, la FEESP-CSN obtient enfin gain de cause.

« C’est une victoire importante pour toutes ces travailleuses du soutien scolaire qui vivaient une injustice depuis de nombreuses années. Enfin, elles sont reconnues pour l’ensemble du travail qu’elles accomplissent au quotidien dans nos écoles et nos centres de services », affirme Stéphanie Gratton, vice-présidente de la FEESP-CSN.

Ces deux catégories d’emploi, qui faisaient l’objet de plaintes déposées par la FEESP-CSN dans le cadre de l’exercice de maintien de l’équité salariale de 2010, seront donc maintenant replacées dans la structure salariale du secteur public au rangement se situant au-dessus de leur rangement actuel. Ainsi, les secrétaires d’école ou de centre passeront du rangement 9 au rangement 10 et les techniciennes en service de garde, du rangement 13 au rangement 14. Cette entente venant corriger une iniquité vécue par ces travailleuses depuis plus de 10 ans, celles-ci recevront d’importantes sommes basées sur des correctifs salariaux remontant rétroactivement au 31 décembre 2010.

Lorsque l’entente sera entérinée par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), elle s’appliquera à l’ensemble des 3438 secrétaires d’école ou de centre, parmi lesquelles 1500 sont membres de la FEESP-CSN, et aux 1773 techniciennes en service de garde, parmi lesquelles 682 sont membres de la FEESP-CSN. Cette entente prévoit également que la plainte de maintien 2010 à l’égard des techniciennes en administration demeure active et elle ne dispose pas des plaintes déposées dans le cadre de l’exercice de maintien de l’équité salariale de 2015. La FEESP-CSN poursuivra activement ses représentations à cet effet.

Les travailleuses et les travailleurs du RTC veulent contribuer au succès du projet

S’ils saluent le projet de réseau de transport structurant de la capitale, et notamment l’implantation d’un tramway, les syndicats CSN du RTC sont néanmoins inquiets pour l’avenir et les membres demandent à être rassurés quant au recours à la sous-traitance par le RTC et son impact sur leur emploi.

Le report d’un an du projet de tramway semble être l’occasion idéale pour les inclure dans le projet et solliciter leur contribution.

« Les gens sont inquiets avec les changements annoncés dans le transport en commun à Québec, il y a beaucoup de cachettes, » déplore Hélène Fortin, présidente du Syndicat des employés du transport public du Québec métropolitain inc. (CSN), qui représente les chauffeurs du RTC.

« Malheureusement, plutôt que d’être consultés sur les nouveaux projets, on est souvent mis devant un fait accompli, le report d’un an du projet de tramway nous semble l’occasion idéale de mettre les employé-es dans le coup, » ajoute Kevin Roy, président du Syndicat des salariés (ées) d’entretien du RTC (CSN), qui représente les employés des garages.

Ils citent en exemple le cas du Flexibus, l’une des composantes du réseau de transport structurant. « Nous n’avons jamais été impliqués dans les discussions entourant ce projet malgré des demandes répétées, » explique Hélène Fortin, « pire, il y a une grande différence entre ce qui nous a été présenté initialement et ce qui sera finalement réalisé. » Flexibus est présenté comme un service de transport à la demande s’ajoutant à l’offre du RTC, or, il s’agit plutôt d’un système parallèle. Flexibus comptera 24 véhicules d’ici quatre ans, selon ce qui est prévu dans l’appel d’offre, opérés par taxi-coop.

Ils s’inquiètent aussi en ce qui concerne le tramway. « L’appel d’offre original était limpide : le consortium choisi devait non-seulement construire le tramway mais obtenait également l’entretien et les pièces pendant 30 ans, » révèle Kevin Roy, « on le sait que la motivation du privé c’est de faire des profits, ça nous questionne sur le type d’entretien qui sera effectué et sur l’état dans lequel sera rendu le réseau quand il deviendra public. » Selon le syndicaliste, la rédaction d’un nouvel appel d’offre offre l’opportunité de corriger cette lacune et de rapatrier l’entretien à l’interne.

Ils craignent que les nouveaux projets n’entraînent des coupures de services du côté des autobus et des pertes d’emplois à terme par attrition. On priverait ainsi la ville de Québec de bons emplois déplorent-ils. « En mai 2019, l’employeur nous avait mentionné qu’avec l’implantation du Trambus, il n’y aurait pas de perte d’emploi or nous constatons que le Trambus ne fait plus parti des projets, » explique Hélène Fortin. De plus, il n’y a actuellement aucune garantie que le tramway soit conduit par des chauffeurs du RTC. « En coulisse, on nous dit que pour avoir les opérateurs du tramway dans nos rangs, il va falloir que notre convention collective soit ‘’sexy’’, ce n’est vraiment pas rassurant, ça nous prend des garanties que nos membres ne seront pas laissés de côté, » révèle Hélène Fortin.

« On doit malheureusement dénoncer le manque de transparence des autorités dans le dossier du réseau de transport structurant de la capitale, » déclare Daniel Carbonneau, président du secteur transport de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP-CSN). « La Ville et le RTC auraient avantage à miser sur nos forces et notre expertise au lieu de nous donner l’information au compte-goutte. » Le secteur transport se surprend que l’on ne mobilise pas plus les employé-es, qui devraient pourtant être la richesse première et la force vive de l’organisation. « Le transport en commun, ça nous connaît, ça fait plus de 100 ans que nos syndicats sont présents dans l’entreprise et qu’ils accompagnent tous les changements, » rappelle Daniel Carbonneau.

« On est pour le développement du transport en commun et pour l’implantation d’un tramway, il n’y a pas de doutes là-dessus. C’est un projet fort emballant, » poursuit Ann Gingras, la présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN), « mais il ne faudrait pas que ça serve de paravent pour camoufler la sous-traitance. On ne fait jamais une bonne affaire comme société quand on laisse trop de place au privé dans les services publics. Le RTC est une richesse collective qui appartient à la communauté, on ne peut pas le laisser partir à la dérive et en céder des morceaux au privé. On a l’occasion de corriger la situation, il faut la saisir et affirmer haut et fort le caractère public du transport en commun. »

Les syndicats demandent une rencontre avec le directeur général du RTC, M. Alain Mercier, et avec les décideurs des différents projets pour faire le point. « Le slogan de l’employeur est ‘’Je suis au cœur du mouvement’’, nous lui répondons que c’est le respect qui est au cœur du changement, » concluent Hélène Fortin et Kevin Roy.