L’indifférence de François Legault

Balayer du revers de la main autant de luttes menées par la population du Québec n’est certainement pas compatible avec son confort et son bien-être. L’indifférence du premier ministre non plus.

L’objectif paraît fort louable. Viser des jobs à 30 ou 35 $ l’heure, rehaus­ser le revenu médian au Québec à la moyenne de nos voisins ontariens. On serait mal avisé de reprocher à notre nouveau premier ministre de convoiter notre confort et notre bien-être.

Créer de la richesse, en remet­tre dans les poches d’une classe moyenne prise au piège de la stagnation des salaires depuis 40 ans, voilà bien un message qui, admettons-le, obtient une certaine résonnance auprès de l’électorat québécois – ou une résonnance certaine, c’est selon.

Néanmoins, comme le répète trop souvent l’adage, la vie ne se résume pas à une colonne de chiffres. La richesse du Québec ne peut être comprise qu’à travers les réalités vécues par les huit millions de citoyennes et citoyens qui le composent. Par leur travail quotidien pour nourrir leur famille. Par leur volonté d’offrir la meilleure éducation à leurs enfants. Par les sacrifices qu’ils font pour prendre soin de cette génération précédente qui leur a donné les meilleures chances pour réussir leur vie. Et, pourquoi pas, s’offrir le luxe d’une semaine de vacances auprès de leurs proches au cours de l’été qui vient.

Il est ainsi désolant de voir le gouvernement Legault dérèglementer le secteur du taxi qui, certes, connaît ses difficultés. Cette industrie a néanmoins permis à des milliers de travailleurs de faire vivre leur famille décemment. Nombre d’immigrants, constatant que la société québécoise refusait de reconnaître leurs compétences académiques et professionnelles, sont parvenus à régler leurs fins de mois et à accumuler de l’épargne qu’ils ont par la suite investie dans l’économie du Québec. Autant de familles aujourd’hui sacrifiées à l’abreuvoir des Uber de ce monde.

La richesse québécoise, c’est aussi le dur labeur de ces hommes et ces femmes qui, chaque matin, prenaient la route de l’aluminerie de Bécancour. La remarque du premier ministre ces derniers jours, après 15 mois de lock-out décrété par ABI ? Les syndiqués sont trop gourmands — ignorant par le fait même que les salaires ne sont aucunement au cœur du litige. Et ce, à peine quelques jours après que ceux-ci eurent le culot, il va sans dire, de refuser une nouvelle offre… nettement inférieure à celle déposée par l’employeur l’an dernier. Une intervention inacceptable de la part d’un premier ministre dans une libre négociation.

Notre richesse, c’est également les réseaux publics que nous avons collectivement d’abord revendiqués, puis construits. Le réseau des centres de la petite enfance et des services de garde en milieu familial en fait certainement partie. Ce secteur a largement contribué, notamment dans la région de Montréal, à l’intégration puis à l’essor des communautés immigrantes — en plus de répondre plus qu’adéquatement aux besoins de nos enfants. En voulant imposer des maternelles 4 ans partout au Québec, François Legault vient directement fragiliser ce réseau. De plus, sans rassurer personne, les récentes annonces de son gouvernement quant à la création de places en garderie menacent tout particulièrement les responsables de services de garde en milieu familial, dont plusieurs risquent de perdre leur emploi.

On ne parle même pas du sort des 18 000 immigrantes et immigrants qui, après avoir logé une demande de résidence permanente, devront retourner à la case départ sans réclamer 200 $. Avec leur famille, on parle de plus de 50 000 individus confinés aux limbes des nouveaux logiciels du ministère de l’Immigration qui peinent à traiter une infime fraction des requêtes.

Diriger le Québec ne peut se résumer à une lecture comptable de la situation. Encore faut-il chercher à comprendre la complexité de la richesse québécoise, qui s’affirme d’abord et avant tout par le travail, le savoir-faire et les acquis de ses citoyennes et citoyens. Balayer du revers de la main autant de luttes menées par la population du Québec n’est certainement pas compatible avec son confort et son bien-être. L’indifférence du premier ministre non plus.

 

PAR JACQUES LÉTOURNEAU

La solidarité au royaume de l’ours blanc

« Vous êtes ici chez vous ». À quelque 1500 kilomètres à vol d’oiseau de Montréal, la réalité des travailleuses et travailleurs du Nord est si différente qu’on peine à croire qu’on se trouve toujours au Québec.

À la fin du mois de mars, une délégation de la CSN s’est rendue à Kuujjuaq dans le cadre de la tournée sur la vie syndicale. Dès leur arrivée, les délégué-es ont été accueillis par Victor Mesher et Thierry Langlois, présidents des deux syndicats du Grand Nord affiliés à la CSN. La fierté de recevoir la CSN pouvait se lire sur leurs visages.

Établi depuis maintenant quatre ans à Kuujjuaq, Thierry Langlois, qui travaille à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), insiste sur les défis rencontrés par celles et ceux qui viennent s’y établir pour travailler. « La vie professionnelle au Nord, c’est une succession de deuils à faire. La plupart des employé-es, qui deviennent avec le temps des amis, vont rester entre un et deux ans, en moyenne. Il y a aussi ceux qui quittent leur famille et leurs amis pour venir vivre l’expérience. Ceux-ci font un sacrifice que beaucoup d’autres ne seraient pas prêts à faire », mentionne le président du Syndicat des travailleuses et travailleurs du Centre de Santé Tulattavik de l’Ungava–CSN. « Mon travail dans le syndicat est de m’assurer que, même si on est à l’autre bout du monde, les conditions de travail soient adéquates, les règles respectées et que ça leur donne le goût de rester. »

Avec des rotations de deux mois de travail suivis d’un mois de vacances, il peut s’avérer difficile de maintenir une cohésion dans la vie syndicale. Toutefois, en synchronisant les horaires et en coordonnant les journées de libération, le comité exécutif du syndicat réussit à répondre à tous les besoins des membres.

Même son de cloche du côté du Syndicat des employé-es de l’administration régionale Kativik (SEARK–CSN), dont Victor Mesher est président. Natif de Kuujjuaq, Victor a vu nombre d’employés partir après quelques années, surtout lorsqu’ils ont des enfants en âge de fréquenter l’école. La conciliation famille-travail fut d’ailleurs au cœur de la dernière négociation, un combat mené à bout de bras par l’ensemble des membres du syndicat.

Comme c’est le cas pour plusieurs employés travaillant dans le Grand Nord, les billets d’avion permettant aux travailleuses et travailleurs venant du sud de retourner à leur lieu d’origine sont souvent fournis par l’employeur, une clause que l’administration régionale tenait à revoir. Pour Victor Mesher et bien d’autres employé-es, ces billets permettent également d’aller visiter les enfants ou la famille qui demeurent à l’extérieur du Nuna­vik. Cependant, comme pour l’ensemble de ces demandes, l’employeur a fini par reculer grâce à la mobilisation et la solidarité dont les membres ont fait preuve au cours des trois ans de négociation. Mûrs de cette expérience, le comité exécutif du syndicat et le comité de négociation nouvellement élu sont prêts à se lancer dans la prochaine négociation.

Le défi de la distance
Pour les deux syndicats, organiser une assemblée générale s’avère un véritable défi. Plus qu’une simple convocation en salle de réunion, on doit connecter l’ensemble des villages sur une ligne téléphonique. Les membres étant répartis dans 14 villages formant autant de communautés longeant la baie d’Hudson, il arrive que les aléas météorologiques et même une alerte d’ours polaires viennent freiner leur participation aux assemblées. Bien que les comités exécutifs doivent composer avec la distance propre à la réalité territoriale, rien n’est si différent : sur les tables à l’entrée de la salle de réunion, au lieu des beignes et du café Tim Hortons, on trouve de la bannique [pain plat sans levain traditionnel] et des beignets préparés par l’une des membres et sa grand-mère.

Véronique De Sève, vice-présidente de la CSN, est ressortie de ces assemblées générales fort impressionnée : « Animer une vie syndicale est déjà tout un défi. Certes, il y a le désir d’améliorer les conditions de travail. Mais vivre dans le Grand Nord n’est pas toujours simple, notamment en raison de la rareté des denrées ou l’accès au transport compliqué par la météo. Malgré cela, j’ai pu constater qu’il y a une vie syndicale animée, grâce à des militantes et militants qui ont à cœur les conditions de vie et de travail pour les membres qu’ils représentent. C’est assez impressionnant d’être sur le terrain et de faire ce constat. »

Même si certains défis rencontrés par les travailleuses et travailleurs du Nord leur sont propres, ils font tout de même écho parmi nous. Une chose est sûre, nous demeurons toutes et tous animés par un désir commun : améliorer les conditions de travail de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs, et ce, peu importe leur lieu de travail.

 

PAR CAMILLE GODBOUT

Le vrai visage de l’employeur

Pour les inspecteurs responsables de la sécurité et du service sur le réseau, autant la population que les travailleuses et travailleurs du réseau écopent du manque d’écoute et de transparence de la direction d’Exo.

Mai 2018 : Le Réseau de transport métropolitain, qui dessert les couronnes nord et sud de Montréal, devient Exo. Après plusieurs mois tumultueux, et quelques centaines de milliers de dollars plus tard, cette vaste opération de changement d’image n’aura pas réussi à couvrir les problèmes majeurs au sein de l’organisme. Pour les inspecteurs responsables de la sécurité et du service sur le réseau, membres du Syndicat des inspecteurs du Réseau de transport métropolitain Exo (SIRTM–CSN), autant la population que les travailleuses et travailleurs du réseau écopent du manque d’écoute et de transparence de la direction.

Manque de transparence
À plusieurs reprises, le syndicat a demandé d’avoir accès à des documents d’intérêt public pour la sécurité des usagères et usagers du réseau, demande qui lui a été refusée par la direction d’Exo. Même son de cloche du côté des médias, alors que le quotidien 24 heures a effectué plusieurs demandes d’accès à l’information. Quelques mois plus tard, le contrat de distribution du journal sur les quais d’Exo, en vigueur depuis dix ans, n’a pas été renouvelé. Aux dires du directeur général d’Exo, Sylvain Yelle, la raison de cette décision est que « l’autoflagellation est terminée ». Une situation qui témoigne de l’ambiance à la table de négociation, où l’on se bute à un employeur qui ne fait preuve d’aucune ouverture.

Servir la population
Malgré les besoins qui augmentent constamment, les effectifs continuent d’être réduits. Selon David Igor Gaillard, président du SIRTM–CSN, c’est maintenant impossible d’effectuer le travail de façon adéquate. En plus des trains de banlieue, les inspecteurs ont désormais le mandat d’assurer le service des réseaux d’autobus des couronnes nord et sud. « Ils essaient de combler les besoins en embauchant du personnel de sous-traitance, ce qui donne à la clientèle une fausse impression de sécurité », précise le président du syndicat. « Nous avons la formation et la certification requise pour faire face aux imprévus en cas de perturbations de service, comme des retards, des accidents ou lors d’interventions des services d’urgence. Il est primordial pour nous que l’on reconnaisse nos qualifications et notre expertise, et c’est l’enjeu principal de notre négociation », conclut David Igor Gaillard.

 

PAR CAMILLE GODBOUT

Une entente in extremis approuvée à 96,5 % !

« On a livré toute une bataille. » -lance Gleason Frenette, président du STM–CSN

Le chemin fut cahoteux, mais le trajet en valait la peine. Les 2400 employé-es d’entretien de la Société de transport de Montréal (STM) ont finalement obtenu une bonne entente. Intervenue à la suite d’une recommandation du médiateur du ministère du Travail, cette entente a été approuvée à 96,5 % en assemblée générale extraordinaire, le 10 mars dernier.

« On a livré toute une bataille », a lancé Gleason Frenette, président du STM–CSN, qui a rappelé la longue liste de reculs qui ont été évités, dont la privatisation de certaines tâches. Le président a été chaudement applaudi par environ 1600 membres présents à l’assemblée générale extraordinaire. Il aura donc fallu près de deux ans et 170 rencontres de négociation pour franchir la ligne d’arrivée.

Rien ne permettait de croire à cette conclusion favorable quand on se souvient du climat tendu avec l’employeur pendant la négociation. Ce dernier n’a pas hésité à judiciariser le conflit à maintes reprises devant différentes instances, comme le Tribunal administratif du travail (TAT) et la Cour supérieure. Ce fut notamment le cas lors d’un débrayage spontané de plus de 600 mécaniciens, le 15 novembre dernier, tout de suite après une entrevue du directeur général de la STM avec Mario Dumont. Les travailleuses et travailleurs n’avaient tout simplement pas accepté de prendre le blâme pour le nombre élevé d’autobus en réparation à ce moment-là, comme le prétendait le directeur général lors de l’entrevue. Le syndicat et son président ont martelé à plusieurs reprises les divers problèmes de fiabilité des autobus, notamment les nouveaux hybrides, l’hiver difficile que nous avons connu et le problème des pannes d’essence de certains autobus qui s’expliquent en partie par une restructuration des opérations qui avait été dénoncée par le syndicat à plusieurs reprises.

L’employeur avait même annoncé au syndicat qu’il allait se prévaloir des dispositions de la loi 24 adoptée en 2016. En bout de course, cette loi permet aux municipalités de demander la nomination d’un mandataire spécial au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation. Cette disposition est prévue lorsque « des circonstances exceptionnelles le justifient » et si « tous les moyens en vue de régler le différend ont été épuisés ». Il est important de noter que la nomination d’un mandataire spécial n’a encore jamais été utilisée par une municipalité ou une société de transport du Québec depuis l’adoption de la loi.

Le STT de la STM–CSN aura finalement échappé à cette possibilité en continuant à négocier et en s’entendant sur la base d’une recommandation de règlement soumise par le médiateur du ministère du Travail dans la dernière étape. L’entente est survenue vers 5 h du matin, le 28 février, après un marathon de trois jours et trois nuits d’intenses négociations.

Des gains intéressants
En ce qui concerne le salaire, les employé-es du STT de la STM–CSN auront droit à une augmentation de 2 % par année pendant sept ans. Pour les deux dernières années, 2023 et 2024, l’augmentation pourra dépasser 2 % en fonction de l’indice des prix à la consommation. Un plafond de 3 % d’augmentation est toutefois prévu si jamais l’IPC atteignait ce niveau, ce qui n’a pas été vu depuis plusieurs années.

L’entente prévoit aussi une bonification de plusieurs primes et la création de nouvelles. Ainsi, la prime de nuit passera à 1,95 $ l’heure, soit une hausse de 0,65 $, et la prime de soir sera de 1 $ l’heure, une hausse de 0,25 $. De nouvelles primes d’espace clos (0,75 $) et de travail avec des déchets biologiques (1 $) sont également introduites. Une prime de 15 % est nouvellement prévue pour le samedi.

Notons aussi un rattrapage salarial pour les gens de métier et une nouvelle prime de flexibilité. Le rattrapage salarial était au cœur des enjeux syndicaux, où certains métiers pouvaient accuser un retard salarial de 8 $ l’heure comparativement aux compétiteurs. Pour certains, l’augmentation pourrait donc atteindre 4,5 % la dernière année de la convention collective.

L’employeur a obtenu quelques gains aussi, notamment sur la possibilité de créer des quarts de soir et de nuit sur trois sites. Les primes de soir et de nuit ont par ailleurs été majorées pour faciliter la transition.

 

PAR THIERRY LARIVIÈRE

Les organisations syndicales invitent la population à manifester le 27 avril pour l’avenir de la planète

Le départ de la marche se fera à compter de 14 heures de trois lieux différents : parc Laurier, parc Lafontaine et place des Festivals.

Dans le cadre de la Semaine de la Terre, les organisations syndicales FTQ, CSN, CSQ, CSD et SFPQ sont réunies pour dénoncer l’immobilisme de nos gouvernements face aux changements climatiques et pour inviter la population, les travailleurs et les travailleuses à faire connaître leur mécontentement en participant activement à la grande marche du samedi 27 avril à Montréal.

Pour le secrétaire général de la FTQ, Serge Cadieux, le président de la CSN, Jacques Létourneau, la présidente de la CSQ, Sonia Éthier, le président de la CSD, Luc Vachon, et le président général du SFPQ, Christian Daigle, il est temps que nos gouvernements agissent et fassent de l’environnement leur priorité. « Il n’y a plus de place pour la politique de la tête dans le sable que pratiquent nos élus. Nos gouvernements doivent prendre de façon claire et sans équivoque le virage environnemental. Tous les signaux sont au rouge, les scientifiques ne cessent de le répéter que la planète est en grand danger, et ceux qui, encore aujourd’hui, s’obstinent à nier l’impact des changements climatiques sont franchement des ignorants », déclarent les leaders syndicaux.

« Nous le savons et les différentes organisations conscientes du défi environnemental l’on dit et répété : il n’y a pas d’avenir ni d’économie sur une planète morte comme il n’y a pas d’emplois sur une planète morte. Pour nos organisations, la transition énergétique est inévitable, mais elle doit être planifiée et inclure tous les acteurs de la société civile. Il faut réaliser une transition qui est juste pour tous et toutes, et cela inclut les travailleurs et travailleuses, c’est pourquoi il est urgent de bien la planifier. Nous avons collectivement un rendez-vous avec l’histoire, ne manquons pas ce moment historique. C’est pourquoi nous invitons la population, ainsi que les travailleurs et travailleuses à venir marcher avec nous le 27 avril pour l’avenir de la planète », concluent les leaders syndicaux.

Le départ de la marche se fera à compter de 14 heures de trois lieux différents : parc Laurier, parc Lafontaine et place des Festivals pour converger vers le parc Jeanne-Mance au pied du mont Royal.

Un point de presse à 13 h 45 à la place des Festivals précédera le départ de la marche. Vous pouvez consulter les détails de la Semaine de la Terre sur la page suivante : https://www.facebook.com/events/557804044740067/. Les différents porte-parole syndicaux sont disponibles pour des entrevues tout au long de la Semaine de la Terre.

Pour information
François L’Écuyer
514 949-8973